Restaurer la démocratie au Congo-Brazzaville:les voies de la réforme

Publié le par Mathurin FOUNANOU

Restaurer la démocratie au Congo-Brazzaville : les voies de la réforme (Extrait du “ manifeste pour une démocratie authentique ”)

Les guerres civiles de 1993-1994 et de 1997 à ce jour ont interrompu une marche apparemment triomphale vers un Etat de droit. Aujourd'hui, nous pouvons légitimement constater que nous sommes totalement privés du pouvoir démocratique.  Notre destin, qui devrait être entre les mains d'une véritable démocratie, est entre les mains d'une tyrannie. Choisir nos élus étant devenu inutile et sans effet, comment pouvons-nous nous tirer de cette impasse ? Comment pouvons-nous faire évoluer positivement notre société, nos responsabilités individuelles et nos libertés ?

L’idée de changer les choses est une idée à laquelle adhère la majorité des Congolais. Il est aujourd’hui incontestable qu’il y a corrélation entre, d’une part l’absence de démocratie, et d’autre part le développement du nivellement par le bas, la confiscation des libertés, la progression de l’intolérance, le tribalisme, la délinquance, le chômage, la pauvreté et la misère. Il est aujourd’hui établi que les Congolais ne sont pas mûrs pour vivre dans une République unitaire et centralisée. Pour sortir le Congo de la tyrannie, la voie à suivre nous paraît être celle de la démocratie directe par le biais d’un Fédéralisme décentralisé. Nous avons le devoir de réaliser ces réformes si nous voulons passer le cap du siècle en laissant de côté les débats éculés et les vieilles querelles. Mais, avant de s’engager dans une telle réforme, il est essentiel de connaître qui aujourd’hui détient le pouvoir et par quels moyens celui-ci est exercé

Qui effectivement gouverne le Congo ?

Nul ne peut douter à ce jour que le Congo a dévié vers le totalitarisme depuis la prise du pouvoir par monsieur Sassou, dont l'objectif est de liquider la démocratie en s'accordant le monopole de l'activité politique. La pensée unique est encore posée comme la vérité absolue à laquelle tous les Congolais sont sommés d'adhérer : c'est la théorie de la tribu-classe qui joue son rôle. Pour propager son mensonge sur les souffrances de nos compatriotes, le régime s'arroge le monopole des moyens d'information : plus de presse libre dans le pays. Monsieur Sassou a rétabli un régime d'essence mafieuse déjà rejeté par le peuple lors de la conférence nationale souveraine.

Le Parlement et le Gouvernement actuels ne symbolisent qu'un pouvoir autocratique.

Les dirigeants actuels se contentent de dire qu’ils maîtrisent la situation, mais de quelle situation parlent-ils ? De l’explosion tribale ? Ou de la souffrance des Congolais ? Le peuple est aujourd'hui divisé par des guerres civiles dont il ne maîtrise pas toujours les causes. Si ces prétendus leaders politiques étaient de vrais citoyens, le problème du tribalisme n’existerait plus, il y aurait une loi authentique contre le tribalisme, et il n’y aurait plus de discrimination tribale dans l’administration et dans l’armée.

Pour nous, la liberté du débat exige que la parole soit donnée à tous les Congolais. Nous détestons le recours aux armes pour régler les conflits politiques. C'est ainsi que nous proposons un certain nombre de réformes dont la dissolution de l'armée actuelle, composée des miliciens cobras du général Sassou, et la création d'une armée nouvelle pour défendre notre patrie, mais non une armée qui laisse les Congolais s'entr'égorger. L’armée de monsieur Sassou est une poudrière dont le danger menace la restauration de la démocratie.

Repenser la démocratie et l'Etat : un système congolais de démocratie directe

Notre future démocratie doit assurer l’équilibre des pouvoirs, nous permettre de débattre de tout sujet quotidiennement entre nous. La voie à suivre nous paraît être celle de la démocratie directe dans le cadre d’un Fédéralisme intégral, pour nous préserver des guerres civiles. Ce nouveau système politique assurera, nous en sommes convaincus, une évolution pacifique et progressive vers le développement du pays. L'établissement et le maintien de l'unité nationale ne peuvent se réaliser que dans le respect des diversités que garanti le fédéralisme. Ainsi, les Congolais pourront travailler ensemble.

Notre pays doit être réorganisé sur le plan administratif. Les nouvelles institutions congolaises seront fondées sur un fédéralisme décentralisé. Les pouvoirs devront être partagés entre les Etats Fédéraux (ou régions) et l'Etat Fédéral, et entre l'Assemblée Fédérale et le Premier Ministre, chef du Gouvernement. Le Président de la République n'aura qu'un pouvoir représentatif très limité. Le Premier Ministre sera élu par les députés, eux-mêmes élus au suffrage universel. Le Parlement disposera ainsi d'un véritable contrôle sur le Gouvernement et jouera de plus un important rôle législatif.

Les régions seront maîtresses de leur finances, de leur police (alternative aux milices armées actuelles dont l'incorporation dans l'armée nationale constitue un danger pour la nation), de l'instruction publique et de l'aménagement du territoire, ce qui limitera le pouvoir fédéral aux relations extérieures, la défense (une armée fédérale), les télécommunications, les transports et la monnaie. Les procédures de la démocratie directe seront adoptées dans tous les états (régions).

La République Fédérale du Congo comptera dix Région-Etats, chaque Région-Etat se dotera d'une constitution, d'un parlement (grand conseil) et d'un gouvernement (conseil d'état) dont les membres seront élus au scrutin populaire direct. Nos particularismes ethniques, linguistiques et territoriaux seront à la base de la confédération.

La répartition des rôles. Les Région-Etats seront dotées d'une constitution et d'un conseil régional, qui est une assemblée élue au suffrage universel. Elles partageront une série de compétences avec l'Etat Fédéral en matière économique et sociale, de justice et de police, de travaux publics, et exerceront à titre exclusif des compétences dans le domaine de l'éducation et de la culture : à l'exception des universités, les lycées, collèges et écoles primaires qui relèveront des autorités régionales. De son côté, l'Etat Fédéral aura la compétence exclusive des relations extérieures, les douanes, les PTT, la politique économique, énergétique (pétrole) et le transport.

Les institutions représentatives fédérales. Le parlement du Congo Fédéral comportera deux chambres : le conseil national, représentant le peuple congolais dans son ensemble sera élu à la proportionnelle. Le nombre de députés élus dans les circonscriptions que forment les régions varieront selon l'importance de leur électorat. A coté de la chambre du peuple, le conseil des états associera les Etats Fédéraux au processus législatif. Chaque région y enverra deux représentants, généralement à la majorité. Les deux chambres auront des pouvoirs identiques.

Un système de gouvernement stable. Issu d'une élection au parlement réuni en session jointe, le gouvernement fédéral sera composé de conseillers (les membres des partis en fonction des sièges). A ce critère partisan s'ajoutera le souci d'un dosage qui tiendra compte à la fois de l'appartenance aux grandes régions (en terme de population), aux régions les plus pauvres, de la personnalité et de l'implantation politique du conseiller fédéral. On recherchera également un certain équilibre religieux. Ce gouvernement de coopération garantira une large assise à l'exécutif fédéral. Il n'y aura pas de motion de censure. Le gouvernement fédéral demeurera en charge au moins pour la durée d'une législature de cinq ans. Ce gouvernement d'alternance aura pour avantage de réduire les conflits de lutte pour le pouvoir, et facilitera la recherche du compromis et la coopération gouvernementale.

Référendums et initiatives populaires. Le recours au vote populaire sur des problèmes déterminés introduira un élément plus dynamique dans ce système stable. Les citoyens auront la possibilité de se prononcer, non pas en fonction d'appartenance partisane, mais selon leurs options personnelles sur une question concrète.

Les citoyens devront disposer d'un pouvoir d'initiative qui leur permettra de proposer des projets de révision totale ou partielle de la constitution : ces initiatives seront déclenchées par le dépôt de 3% de l'électorat congolais. Ces projets seront soumis au vote dans les mêmes conditions qu'un référendum constitutionnel. Ainsi, dans le nouveau système congolais, les gouvernés disposeront d'un réel pouvoir qui leur permettra de garder la haute main sur l'évolution constitutionnelle. Les référendums et initiatives associeront de manière continue les citoyens Congolais au processus politique, faisant contrepoids au pouvoir de l'exécutif du parlement et des partis politiques. Les débats démocratiques nous permettront de mieux identifier les valeurs de bien de notre société, le développement de nos responsabilités et de nos libertés, la reconstruction et le développement de notre pays.

Réforme de la constitution de 1992 : avènement de la première démocratie directe congolaise

Une réforme de la constitution de 1992 est nécessaire pour instaurer les trois réformes que sont : les référendums et initiatives populaires, le pouvoir donné à tout groupe d'électeurs (3%) de déposer un projet de loi et de contraindre le parlement à se prononcer sur son adoption ou son rejet, le pouvoir donné à chacun de nous d'invoquer la constitution afin de faire annuler toute loi anticonstitutionnelle. Cette réforme constitutionnelle ne peut voir le jour qu'en étant mise en place par un pouvoir politique ayant l'inébranlable volonté politique de la réaliser.

A défaut de réalisation de telles réformes avant les prochaines élections, il est essentiel que, lors du prochain scrutin présidentiel, nous choisissions le candidat qui aura la volonté de mettre en place les réformes constitutionnelles dont nous avons besoin pour reconstruire notre pays.  Le leader politique qui s'engagera à réaliser une telle réforme constitutionnelle devra avoir pour objectif essentiel le bien être de ses concitoyens et non pas son intérêt personnel. En résumé, nous lui demandons de prendre le pouvoir à ceux qui le détiennent aujourd'hui, pour nous le remettre immédiatement, et nous permettre de devenir maîtres de notre destin.

Mathurin Founanou

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